Ypsilon - 15 ans de création éditoriale poétique et littéraire

Isabella Checcaglini, fondatrice et éditrice d'Ypsilon.éditeur, est née en 1975 à Foligno, en Italie ; elle déménage en France en 1994 et s’installe à Paris. Des études en mathématiques et en lettres l’amènent à fréquenter l’école Estienne d’art et des métiers du livre, où elle se familiarise avec la composition au plomb et à l’impression sur presse traditionnelle. En même temps qu’elle termine sa thèse sur Mallarmé, au sujet duquel elle consacre articles et livres, elle fonde en 2007 les éditions Ypsilon.

Depuis elle s’attelle, avec un dévouement et un respect rares pour l’objet-livre, à exhumer de l’oubli de grands textes méconnus, ainsi que d’offrir pour certains d’entre eux une première traduction en français. En 15 ans, elle a su constituer un catalogue d’un éclectisme qui fait exemple, avec, en première ligne, des auteurs et autrices issu.e.s de la littérature mondiale, tel.le.s que Pier Paolo Pasolini, Ingeborg Bachman, Antonio Tabucchi, Alejandra Pizarnik ou James Baldwin. Voici un aperçu de la richesse de cette maison d'édition !

James Baldwin

Ypsilon

Publié la même année, en 1972, à New York, à Londres et à Paris, Chassés de la lumière a été par la suite oublié en France et pourfendu par la critique anglophone. Baldwin y achève sa radicalisation politique. Véritable récit de la crise de la suprématie blanche, Chassés de la lumière est une traversée des années 1960, de leurs luttes, de leurs espoirs ; c’est aussi la fresque amère d’une Amérique blanche agrippée à ses privilèges. Accusé d’être un ouvrage de propagande, cet essai n’a pu jouir de la reconnaissance qu’il méritait. Baldwin y renonce à la place que l’intelligentsia lui offrait — celle de l’artiste incompris par sa «communauté» — pour devenir le porte-voix d’une nouvelle génération militante. Dans Chassés de la lumière, la «question noire» est inséparable de la révolution.
Le texte est pour la première fois publié dans son intégralité.


16,00

Publié en 1962, Le piccole virtù est un livre charnière dans l’oeuvre de Natalia Ginzburg. Connue pour ses romans, dans ce premier livre d’essais, Natalia Ginzburg – dont l’écriture est essentiellement attachée aux faits, aux gestes, aux voix et aux cadences – reste fidèle à elle-même : la recherche de l’essentiel est toujours concrète, toujours incarnée, les expériences morales prennent un sens physique – elle reste dans la narration qu’il s'agisse d’énoncer une pensée générale ou un jugement sur l’existence. Les petites vertus, ces onze textes (dont l'année et le lieu d'écriture sont si importants) entre autobiographie et essai, donnent à voir et à entendre, voix, figures, et paysages du siècle passé, à sentir et à penser une manière de vivre et un être au monde qui font partie de notre histoire. Parmi les chapitres de cet ouvrage, il faut remarquer tout particulièrement «Portrait d’un ami» (Rome, 1957), qui est la plus belle chose qui ait été écrite sur Cesare Pavese. Et aussi, les pages écrites immédiatement après la guerre, qui expriment avec une force brûlante le sens de l'expérience d’années terribles (en gardant, comme dans «Les souliers éculées» (Rome, 1945), un sens presque miraculeux du comique). Les souvenirs de l’exil, dans «Un hiver dans les Abruzzes» (Rome, 1944), côtoient les réflexions sur «Mon métier» (Turin, 1949). Enfin, dans «Silence» (Turin, 1951) et «Les petites vertus» (Londres, 1960), on trouve une Natalia Ginzburg moraliste dont la participation aiguë aux maux du siècle (passé) semble prendre naissance dans une sorte de empathie intime. «Outre une leçon de vie, c’est une leçon de littérature que nous pouvons tirer de la simplicité de ces pages.» Italo Calvino.


Conversations avec Anteos Chrysostomidis

Ypsilon

17,00

En mai 1998, en Italie, Antonio Tabucchi rencontre Anteos Chrysostomidis – le traducteur grec de huit de ses ouvrages – et se lance dans une longue confession sur lui-même et les livres qu’il a écrits. La conversation se poursuit en Grèce et touche d’autres sujets, comme la politique, le cinéma, les genres littéraires, les principes moraux du droit européen contemporain, et le vin de Santorin, et d’autres personnalités, comme Pessoa et Cavafy, Fellini, Pasolini, Camus et Blanchot. L’écrivain et son traducteur finissent par discuter, parmi tant de choses, d’une chemise pleine de taches, Tabucchi faisant l’éloge des taches, en particulier de celle d’huile d’olive, sa préférée ! De Vecchiano en Toscane à Delphes en Phocide, ce dialogue devient un livre qui s’adresse aussi bien aux lecteurs et lectrices qui aiment et admirent déjà l’oeuvre de Tabucchi qu’à celles et ceux qui n’ont pas encore rencontré les écrits de l’une des principales figures littéraires contemporaines italiennes.
Dix chapitres aux titres évocateurs composent ce livre : 1. Les années d’enfance. Les racines anarcho-socialistes. 2. La Dolce Vita de Fellini. Et autres amours cinématographiques. 3. Paris. Camus, Gadda et les autres. Et un énigmatique « Bureau de tabac ». 4. Les débuts. Tabucchi écrivain. 5. Les trois premiers livres. Les balles de tennis et Pessoa. 6. Des débris de Porto Pim à l’Ange noir. Et quelques mots sur le terrorisme. 7. L’hallucination, le rêve, le délire dans trois livres. 8. Deux livres optimistes. Et une discussion sur la responsabilité individuelle. 9. Intellectuels et pouvoir. 10. La littérature va où elle veut. Précédés d’un prologue du traducteur et suivit de deux post-scriptum de l’auteur.


23,00

« J’aimerais pouvoir tendrement faire sortir du côté sombre de l’histoire des voix qui sont anonymes, minimisées… inarticulées. » Ainsi Susan Howe définit le projet de ce livre à la fin de son introduction dont le titre – « Il n’y a pas assez de feuilles pour couronner pour couvrir pour couronner pour couvrir » – devient celui de notre édition française (et il est extrait d’un poème de l’américain Wallace Stevens intitulé « United Dames of America »). Un titre « poétique » pour une introduction « historique » qui nous plonge tout de suite dans l’univers si particulier de Susan Howe, l’espace de la page devient une scène où vont être évoqués de larges pans d’histoire, personnelle et universelle, nationale et internationale, récente et passée, et ses déchirures. Son autobiographie – « Je suis née à Boston, Massachusetts, le 10 juin 1937, d’une mère irlandaise et d’un père américain. » – côtoie une certaine historiographie : « En 1937, la dictature nazie était bien établie en Allemagne. […] L’axe Berlin-Rome avait un an. La guerre civile espagnole aussi. Le 25 avril, les pilotes de la Luftwaffeaux ordres de Franco bombardaient le village de Guernica. […] De 1939 à 1946 dans les photographies de presse, jour après jour je voyais les signes de la culture exploser pour se faire meurtriers. » La prose percée par des vers de l’introduction annonce les trois parties qui composent ce volume publié à New York en 1990. Trois ensembles de poèmes dont la réunion montre comment « la poésie apporte similitude et représentation à des configurations qui attendent depuis toujours d’être dites. » Susan Howe mêle ici l’autobiographie, l’essai historique et l’écriture poétique, en un tissu organique où chaque mode textuel vient fertiliser et déstabiliser l’autre. Au long de ces poèmes, on ne cesse de s’enfuir à travers des forêts : qui sont celles de l’Europe, celles de la Nouvelle-Angleterre, et celles des mots. Le travail de fragmentation et de et reconstruction dans et par le langage – en dialoguant avec d’autres textes, époques, personnes et personnages – propre à Susan Howe sert à faire émerger de l’histoire, individuelle et collective, ces « voix anonymes, minimisées… inarticulées » qui la traversent. On parvient à les entendre, inscrites dans les interstices d’une syntaxe comme ruinée, à les voir ensevelies sous les décombres de l’histoire, matérielle et littéraire, elles peuvent alors sortir (échos ou fantômes) si le lecteur se laisse prendre à ce jeu de capture et d’évasion que la poésie expérimentale de Susan Howe lui offre.


Leonora Carrington

Ypsilon

17,00

L’insolite surréaliste Leonora Carrington était une peintre et une conteuse extraordinaire qui adorait inventer des histoires et dessiner des images pour ses enfants. Gabriel Weisz, son fils, se souvient d’être assis dans une grande pièce dont les murs étaient couverts d'images de créatures merveilleuses, de montagnes immenses et de végétation luxuriante pendant qu'elle racontait des histoires fabuleuses et amusantes. Cette pièce a ensuite été blanchie à la chaux, mais certaines de ces merveilles ont été conservées dans le carnet que Carrington a appelé Le lait des rêves et qu’elle offrit en signe d’amitié mystique à Alejandro Jodorowsky.
Dans ces pages : des vautours, des lapins, un éléphant, des mouches, un crocodile et Jean sans tête qui a des ailes à la place des oreilles, Georges qui aime manger le mur de sa chambre, Petit Ange qui fait pipi sur les passants, autant d’enfants et d’animaux surprenants que de drôles de personnages comme Madame Dolores dite Lolita Estomac ou Monsieur Moustache-Moustache habitent ce livre improbable et extravagant qui fera rêver les grands et les petits lecteurs.