Assassini, roman
EAN13
9782352881261
ISBN
978-2-35288-126-1
Éditeur
City Edition
Date de publication
Collection
CITY EDITIONS
Nombre de pages
672
Dimensions
18 x 3 cm
Poids
336 g
Langue
français
Langue d'origine
anglais
Code dewey
849
Fiches UNIMARC
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Assassini

roman

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City Edition

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Prologue

Octobre 1982

New York

Tout noir et filant sur la surface argentée de la glace, il avait l'air d'un oiseau de proie. C'était un excellent patineur d'un certain âge.

Il s'amusait à entendre le sifflement de ses patins qui traçaient sur la glace des figures précises et à sentir sur son visage la brise mordante de l'automne. Il avait les sens extraordinairement aiguisés, comme toujours dans les moments importants. Dans ces cas-là, il ne faisait qu'un avec son destin, avec son Dieu. Et alors, le but de son existence lui apparaissait clairement.

Le monde aussi était plus clair. Tout autour de lui perdait de son mystère. La brume du matin s'était dissipée et le soleil filtrait entre les hauts nuages blancs. Les tours du Rockefeller Center s'élevaient au-dessus de lui, la musique des haut-parleurs rythmait ses pas.

Enfant, il avait appris à patiner sur les canaux gelés de La Haye. Les maisons sombres, les parcs enneigés, le ciel de plomb pesant sur la vieille ville, les digues et les moulins à vent : tout cela était marqué dans sa mémoire. Peu importait qu'il n'y eût plus de moulins à vent : dans son esprit, ils continuaient à tourner, et le lent mouvement de leurs bras, le chuintement des lames sur la glace contribuaient à le détendre. Des jours comme aujourd'hui, où il avait une mission à remplir, il s'y préparait en se détendant. Les jeunes appelaient peut-être cela méditer, mais cela revenait toujours au même : on voulait atteindre un niveau de pure concentration, si parfaite qu'on ne remarquait même plus qu'on faisait un effort. Il y était presque. Bientôt, le temps cesserait d'exister. Il ne serait plus qu'un œil à qui rien n'échappe, un être capable de ne faire qu'un avec sa tâche, avec l'objectif fixé par Dieu. Bientôt. Très bientôt.

Il était vêtu de noir avec un col d'ecclésiastique et un imperméable qui gonflait derrière lui comme une cape. L'idée ne lui était jamais venue que les pans de ce manteau qui volait au vent pouvaient lui donner un air menaçant. Il ne raisonnait pas ainsi. Il était prêtre. Il était l'Eglise. Il avait un bon sourire rassurant. Il était la bonté incarnée, non pas quelqu'un qu'il fallait craindre. Pourtant, les autres patineurs avaient tendance à s'écarter sur son passage : ils l'observaient de façon presque furtive comme s'il pouvait porter sur eux un jugement moral. Ils n'auraient pu se tromper plus lourdement.

Il était grand avec de longs cheveux blancs ondoyants qui partaient d'un front haut, majestueux. Il avait un visage étroit au long nez, une grande bouche aux lèvres minces. Un visage tolérant, comme celui d'un bon médecin de campagne qui comprend la vie et ne craint pas la mort. Il était d'une pâleur presque translucide, après toute une vie passée dans l'ombre des chapelles et des confessionnaux. Il portait des lunettes à monture d'acier. Le patinage et la concentration faisaient naître l'esquisse d'un sourire. Il était mince et d'allure sportive. Il avait soixante-dix ans. Il patinait, les mains tendues devant lui comme s'il dansait avec une partenaire invisible. Il portait des gants de cuir noir qui lui moulaient les mains comme une seconde peau.

Des filles chuchotaient et gloussaient en voyant passer le vieux prêtre austère et imposant ; mais il y avait dans leur regard un certain respect, pour son style et pour sa vigueur.

Lui pensait au restant de sa journée et c'était à peine s'il les remarquait. Soudain, devant lui sur la glace, il vit une jolie jeune fille d'une quinzaine d'années tomber brusquement et rester assise, les jambes devant elle. Ses amies riaient et elle secouait la tête en agitant sa queue de cheval.

Il fondit sur elle par-derrière, la prit sous les bras et la remit debout d'un mouvement souple et fluide. En s'éloignant comme un corbeau au vol puissant, il aperçut son air surpris. Puis un large sourire éclaira le visage de la jeune fille et elle cria : « Merci ! ». Il hocha gravement la tête par-dessus son épaule.

Peu après, il regarda sa montre. Il quitta la patinoire, rendit les patins qu'il avait loués et reprit son porte-documents au vestiaire. Il avait le souffle régulier. Il se sentait parfaitement à l'aise et maître de lui, avec quand même une petite décharge d'adrénaline qui lui courait dans les veines. Il gravit les marches pour quitter la patinoire. Il acheta un bretzel chaud à un marchand ambulant. Il le mastiqua méthodiquement puis jeta la serviette en papier dans une poubelle. Il passa devant les boutiques qui s'alignaient jusqu'à la Cinquième Avenue, traversa et s'arrêta pour contempler la cathédrale Saint-Patrick. Ce n'était pas un sentimental, mais la vue des grands monuments religieux - aussi récents fussent-ils - ne manquait jamais de l'émouvoir. Il avait espéré avoir le temps de dire une prière, mais le patinage avait duré trop longtemps et, de toute façon, il pouvait prier dans sa tête.

Il avait fait du chemin pour aller à ce rendez-vous. Le moment était venu de partir.

Rome

L'homme allongé dans le lit ne regardait pas le match de football sur le grand écran du téléviseur. Un de ses secrétaires avait introduit une cassette dans le magnétophone et l'avait mise en route avant de se retirer. Mais l'homme installé contre ses oreillers ne s'intéressait plus guère au football. Si l'idée lui en traversait parfois l'esprit, c'était sous forme de souvenirs, de matchs disputés à Turin quand il était jeune, voilà bien des années. L'homme pensait à sa mort imminente avec ce détachement qui l'avait toujours si bien servi. Quand il était jeune homme, il s'était obligé à penser à lui à la troisième personne : Salvatore Di Mona. Avec une partie de lui-même arborant un sourire stupéfait, il avait suivi l'ascension systématique de Salvatore Di Mona. Il avait approuvé quand celui-ci nouait des alliances avec des puissants. Il l'avait vu parvenir au sommet solitaire de sa profession. à ce moment-là, Salvatore Di Mona avait pour ainsi dire cessé d'exister : il avait pris le nom de Calixte, il était devenu le vicaire du Christ, le Saint-Père : le pape Calixte IV.

Il avait toujours eu beaucoup de chance et un esprit pratique à l'extrême. Il avait toujours considéré que sa carrière ne différait guère de celle de n'importe quel patron d'une grande multinationale. L'idée ne lui était jamais venue, par exemple, que Dieu exprimait littéralement sa volonté par le truchement de l'homme qu'avait été Sal Di Mona, le fils aîné d'un prospère concessionnaire Fiat à Turin. Non, le mysticisme n'était pas sa tasse de thé, comme l'avait dit un jour monsignor Knox dans son charmant style britannique.

Non, Calixte IV était un homme pratique. Il n'avait guère de goût pour le drame et les intrigues, surtout depuis qu'il était parvenu à se faire élire par le consistoire des cardinaux, opération qui avait exigé quelques manœuvres simples et énergiques qui ne laissaient aucun doute sur le résultat final. Il avait suffi de quelque argent distribué à bon escient à certains cardinaux grâce à l'assistance du puissant laïque américain Curtis Lockhardt. Le cardinal Di Mona s'était constitué un solide noyau de partisans avec, à leur tête, le cardinal D'Ambrizzi. Depuis qu'il était devenu pape, il s'était efforcé de réduire au minimum les complots de la curie, les murmures et les calomnies. Mais il devait bien reconnaître que, dans un foyer d'intrigues comme le Vatican, il livrait une bataille perdue d'avance. On ne pouvait pas vraiment modifier la nature humaine, assurément pas dans un palais où il y avait au moins mille pièces. L'évidente réalité était tout simplement que, si l'on disposait d'un millier de pièces, il y avait toujours et inévitablement des gens pour faire le mal dans certaines d'entre elles. Au bout du compte, maintenir un semblant de contrôle sur les machinations de son entourage l'avait pas mal usé. Malgré tout, cela avait souvent été amusant. Aujourd'hui, il ne trouvait plus ça drôle.

Le lit sur lequel il reposait, celui du pape Alexandre VI Borgia, était un meuble impressionnant dont il se plaisait à imaginer l'histoire. Alexandre VI, à n'en pas douter, en avait fait meilleur usage que lui mais, à bien considérer les choses, du moins allait-il sans doute mourir de...
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