L'autre et l'amitié chez Aristote et Paul Ricoeur

Ivre de Dieu, Giordano Bruno nous offre une présentation violemment hétérodoxe des dogmes chrétiens, moins pour les destituer de leur autorité que pour les faire fonctionner autrement. Devenus les concepts opératoires d'un immanentisme radical, ceux-ci trouvent dans un naturalisme sans frein une acception nouvelle, hors toute transcendance. Cette reprise inversée de la dogmatique traditionnelle fera du plus inspiré des philosophes modernes l'hérésiarque le plus accusé, le détracteur aussi le plus déterminé de l'appareil rationnel que la théologie de son temps emprunte encore à Aristote. L'étrange retournement auquel il procède l'ouvre aux intuitions qui courent l'air du temps: univers infini, pluralité des mondes, matière vivante, convertibilité de la nature et de l'esprit... pour faire de lui le créateur visionnaire de la plus flamboyante des gnoses. La science nouvelle appelle une révélation nouvelle, Dieu partout visible dans la Nature, et un nouveau salut, Dieu partout vivant dans la Nature, seule médiatrice. Bref un mysticisme sauvage au service duquel se deploie le plus organisé des discours.