Les hypothèses infinies - Journal 1936-1962
EAN13
9782271135957
Éditeur
CNRS éditions
Date de publication
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
S'identifier

Les hypothèses infinies - Journal 1936-1962

CNRS éditions

Indisponible

Autre version disponible

Né en Tunisie dans une modeste famille juive de langue maternelle arabe, formé
dans les écoles de l'Alliance israélite universelle puis au lycée Carnot de
Tunis, enfin à l'université d'Alger pendant la guerre et en Sorbonne à la
Libération, Albert Memmi (1920-2020) se situe au carrefour de trois cultures
et a construit une œuvre abondante d'essayiste, mais aussi de romancier, sur
la difficulté pour un minoritaire né en pays colonisé de trouver son propre
équilibre entre Orient et Occident. De l'âge de 16 ans à sa disparition, il a
tenu un journal, où il a recueilli ses rêves et ses cauchemars, ses doutes et
ses illuminations, ses espoirs et ses désillusions, ses joies et ses
frustrations : une somme de réflexions au jour le jour qui éclairent d'une
lumière crue un " siècle épouvantable " mais qui constituent aussi les
fondations d'une œuvre universelle.



Qui est le jeune homme que nous suivrons pas à pas, de ses 16 ans à la
quarantaine, dans ce premier volume du Journal ? Un minoritaire en pays
dominé, né pauvre et honteux de ses origines, mais avide de culture et
désireux d'en faire son destin ? Un enfant qui ne possède d'autre langue que "
le pauvre patois du ghetto ", mais rêve de maîtriser celle de Rousseau et de
Gide, d'égaler –; qui sait... –; son maître Jean Amrouche, ou même le
monumental François Mauriac ? Cet adolescent pacifiste, un peu dandy,
brutalement confronté à la guerre et à la nécessité de prendre parti, ou ce
Juif acculturé qui fait peu à peu l'expérience de sa condition, découvre les
ostracismes dont il est de tous bords entouré, et qui apprend à s'en défendre
?
Que cherche-t-il ? Vivre à Tunis, en se calfeutrant dans les " valeurs-refuge
" et les traditions de sa communauté, ou s'enfuir à Paris pour se mesurer à la
modernité occidentale ? Étudier la médecine, la philosophie ou les sciences
humaines ? S'étourdir dans les divertissements ou affronter le monde et ses
contradictions, au risque de s'y brûler ?
Quelles sont ses ambitions, enfin ? Lutter parmi les siens au sein de
mouvements de jeunesse ou se tenir à distance de tout militantisme pour mieux
analyser les situations ? Défendre ses convictions par la plume ou s'inventer
un monde de fiction capable de transcender ses déchirures intimes ?
L'âge d'homme arrivé, ce jeune inconnu déchiré, devenu Albert Memmi, s'est
clairement défini comme colonisé à travers le Portrait du colonisé et comme
Juif par le Portrait d'un Juif. Pendant la guerre, il a fait l'expérience de
la souffrance physique et de l'engagement ; plus tard, s'éloignant des siens
sans les renier, il a appris –; sans jamais se compromettre –; à en découdre
avec l'Occident et avec l'altérité. Par l'écriture de deux romans
autobiographiques, il s'impose comme écrivain de langue française ; comme
enseignant-chercheur en philosophie et sociologie, il collabore avec Aimé
Patri, Daniel Lagache et Georges Gurvitch à l'élaboration d'une pensée
humaniste aux prises avec les défis de " ce siècle de sciences, de progrès et
d'effroyable bêtise ".
L'extraordinaire itinéraire individuel que révèle ce Journal 1936-1962 possède
sa moralité. Il prouve avec une exemplarité éblouissante que rien n'est jamais
joué d'avance, que tout se conquiert : en dépit de ses origines, au-delà de sa
condition et malgré l'état cataclysmique du monde, le jeune homme parvient à
percevoir, loin des " vérités absolues ", la promesse effective de tous les
possibles, les hypothèses infinies que nous offre l'existence.
S'identifier pour envoyer des commentaires.