Le présent infini s'arrête

Mary Dorsan

P.O.L.

  • Conseillé par
    14 octobre 2015

    Entre les murs de la folie

    Quand on achève la lecture du livre de Mary Dorsan « Le présent infini s’arrête », c’est par K.O. Ces 700 pages, on ne les engloutit pas, ce sont elles qui vous engloutissent. Plus qu’une lecture, c’est une immersion totale dans le quotidien d’adolescents souffrant de troubles psychiatriques lourds et des soignants qui les accompagnent dans leurs psychoses. Ces jeunes vivent ensemble en appartement thérapeutique d’une cité de la banlieue parisienne. Même si les moments de joie, de rires et d’échanges existent, ce ne sont que des sursis, ils sont toujours au bord du gouffre de la folie, prêts à dévisser. Leurs jours et leurs nuits sont plongés dans la torpeur de la violence et des dérapages de tous les instants. Chaque geste essentiel et répétitif comme se nourrir, se laver, échanger ou dormir est un combat contre l’emprise de la folie qui exacerbe les interdits et lève toutes les inhibitions du corps et de l’esprit. Tout devient menace et les nerfs de chacun, soignants et patients s’épuisent et parfois craquent. C’est cette violence latente qui prend tous les pouvoirs que nous fait ressentir Mary Dorsan.

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  • Conseillé par
    5 octobre 2015

    « À mes collègues, à nos patients et leur famille. C’est écrit parce que c’est notre histoire mêlée. C’est le récit de vies difficiles, méconnues, à la marge. Pour affirmer que vous existez. Que nous existons ensemble. Garder le silence était impossible. Vous dire ce livre aussi. »
    Ces quelques lignes sont la postface et quand on les lit, après avoir terminé ce livre, ces mots de Mary Dorsan prennent tout leur sens.

    La narratrice est infirmière psychiatrique dans un appartement thérapeutique en banlieue parisienne qui accueille des adolescents. Certains y restent jour et nuit, d’autres n’y viennent que quelques jours par semaine ou moins. C’est une étape qui peut durer de plusieurs semaines à plusieurs années. Ils souffrent de troubles psychiatriques et ils ont des problèmes familiaux, comportementaux et de l’attachement. A la marge de la société, de l’école, cet appartement thérapeutique est leur point d’ancrage avec une équipe médicale pour les aider, les écouter. L’équipe médicale doit gérer l’imprévisible, la violence physique et/ou verbale qui couve et qui peut éclater à tout moment. Les écouter, essayer de les faire parler et de dire ce qu’ils ressentent mais aussi les faire respecter les règles, les réconforter si nécessaire ou interdire, leur proposer des activités intérieures et extérieures (sorties au musée, à la mer), repérer les signes d’une crise qui va se produire et savoir y mettre fin. Et nous lecteurs, on se retrouve immergés pendant une année comme dans un huis clos avec ces adolescents : Thierry, Jean-Marc, Roberto, Pablo, Hisham, Romuald et Aurélie. On découvre une violence inattendue, des adolescents qui souffrent d’être rejetés par leur parents mais aussi des moments de calme. Et que rien n’est figé, qu’une journée sans problème peut tourner en une soirée catastrophique. Mais dans ce livre, Mary Dorsan ne s’intéresse pas qu’aux patients, elle inclue l’équipe médicale car « on ne peut pas parler de des patients sans parler des soignants ». Des doutes, du ras-le-bol, de la peur, des liens (tendus par moments) entre collègues ou ce qui les lie mais aussi des sourires, une coordination obligatoire entre eux, l’appréhension pour certains de reprendre le travail après des vacances et comment la violence les affecte. Même quand ils ne sont pas à leur travail, les jeunes occupent toujours une place dans leur esprit.

    « J’écris pour une publication. Pour des lecteurs inconnus qui voudront bien se sentir touchés pour que quelque chose change. En eux. Dans leur regard. Leur cœur. La société. » Mary Dorsan est un pseudonyme, la narratrice est l’auteure et donc infirmière psychiatrique. Elle réussit avec sobriété à nous décrire la complexité de son travail. Un premier livre puissant qui bouscule également, servi par une écriture qui touche au plus près des relations, d’une situation, des ressentis.