Le liseur(Collection "Folio")

Bernhard Schlink

Folio

  • Conseillé par
    26 juin 2011

    À quinze ans, Michaël rencontre Hanna Schmitz qui en a trente-cinq. Il devient son amant, son « Garçon ». Entre eux s’instaure rapidement un rituel amoureux très précis : « Lecture, douche, faire l’amour et rester encore un moment étendus ensemble, tel était le rituel de nos rendez-vous. C’était une auditrice attentive. » (p. 54) Hanna aime qu’on lui fasse la lecture. Ce qui semble un simple agrément dissimule en réalité un secret. Hanna disparaît un jour, sans prévenir. Pour le jeune homme, le choc est terrible. « Je m’étais certes détourné du souvenir d’Hanna, mais sans le surmonter. » (p. 100) Des années plus tard, Michaël, étudiant en droit, la retrouve. « J’ai revu Hanna en cours d’assises. » (p. 102) Hanna est accusée avec quatre autres femmes de la mort de prisonnières pendant la seconde guerre mondiale. Au cours du procès, Hanna reconnaît les faits, mais se défend maladroitement. Elle demande la justice et la justesse, mais son attitude et ses propos jouent sans cesse en sa défaveur. Michaël perce alors le secret d’Hanna à jour. Alors que la révélation pourrait aider l’accusée, Michaël choisit de se taire pour préserver l’orgueil blessé d’une femme déterminée et courageuse.
    Le procès de ces cinq surveillantes de camp est le procès d’une génération qui n’a pas empêché les crimes. Hanna pose sincèrement au juge la question de la responsabilité, mais la réponse de celui-ci est sans valeur pour Hanna. « Elle aurait voulu savoir ce que, dans sa situation, elle aurait dû faire, et non s’entendre dire qu’il y a des choses qu’on ne fait pas. » (p. 128)
    La lecture orale, dont on entend beaucoup parler, ne se fait jamais entendre dans le roman. L’oralité, la formulation et l’écoute sont des sujets centraux, mais aucun texte ne se fait jamais entendre pour lui-même au cours du récit. Cette absence fait écho au secret d’Hanna : on est toujours face à des textes empêchés, à des lectures entravées.
    Le personnage d’Hanna est remarquablement écrit : cette femme est difficile à saisir jusqu’à la révélation de son secret. Tout s’éclaire ensuite et les contours se précisent. Le narrateur s’adresse à nous, son récit est une barrière contre l’oubli, mais aussi le portrait d’un jeune Allemand dans un pays qui ne cesse d’interroger son passé et de compter ses coupables et ses victimes.
    Je m’attendais à un texte plus dense voire plus étouffant, mais Bernhard Schlink est étonnant de subtilité et de délicatesse. Les ressorts dramatiques sont présents, mais ils ne grincent pas. L’émotion se dégage sans nuire à la réflexion qui, elle-même, n’est pas pesante ni vaine. L’auteur ne prétend pas réécrire l’Histoire, ni absoudre certains crimes ou coupables : il met un visage sur une barbarie très humaine.


  • Conseillé par
    15 juin 2010

    Agé de 15 ans, Michaël un jeune allemand devient un peu par hasard l’amant d’Hanna de vingt ans son ainée. Elle est contrôleuse de bus mais l’on ressent une part de mystère dans lequel elle se drape volontiers. Dans leur relation, un rituel s’installe : le bain, la lecture faite à voix haute par Michaël à Hanna. Un jour, Hanna disparait brusquement sans laisser aucune trace. Sept ans plus tard, Michaël fait des études de droit. Au cours d’un séminaire, il assiste à un procès de cinq criminelles de guerre. Hanna est sur le banc des accusées. Il apprend que pendant la seconde Guerre Mondiale, Hanna était gardienne d’un camp de prisonnières.

    Voilà un livre magistral sur le fond et la forme. Evidemment, il y a cette histoire d’amour entre Michaël et Hanna. Mais surtout, Bernhard Schlink nous fait part du sentiment de culpabilité de ces générations d'Allemands face un à héritage lourd, honteux laissés par leurs parents : « Mais enfin l’on condamnait et châtiait quelques rares individus, tandis que nous, la génération suivante, nous nous renfermions dans le silence et l’horreur, de la honte et de la culpabilité : et voilà, c’était tout ? ».

    Lors du procès, Michaël comprend qu’Hanna est analphabète et plutôt que d’accepter une promotion, elle a préféré s’engager dans les SS. Hanna porte aussi une honte, celle de ne pas savoir ni lire ni écrire. Et plutôt que de l’avouer au procès, elle préfèrera endosser toutes les responsabilités L’amour que Michaël éprouvait pour Hanna n’est pas mort. Le procès va le réveiller mais comment peut-il juger un crime commis par Hanna, lui qui se destine à faire carrière dans le droit ?
    Le lecteur est amené à se poser des questions : qui peut juger et de quel droit ? Bernhard Schlink ne nous donne pas de réponse sur un plateau, il laisse le soin à chacun de répondre à cette douloureuse question.

    Je n’en dirais pas plus … juste que la lecture joue un rôle important tout au long de l’histoire.

    Une lecture forte, troublante et dont on ne sort pas indemne. Un livre comme je les aime …


  • Conseillé par
    28 avril 2010

    Un livre universel

    Michaël a 15 ans. Le hasard, lui fait rencontrer une femme de trente cinq ans dont il devint l'amant. Un amour passionné nait entre Hanna et Michaël, jusqu'au jour où Hanna disparait. Ce n'est que 7 ans plus tard, que le narrateur retrouve Hanna: celle-ci est alors accusée d'avoir participé en tant que surveillante de camps à la mort de juifs.

    Ce livre est bouleversant parce qu’il montre comment cet amour va profondément marquer le narrateur tout au long de sa vie. La culpabilité d'avoir aimé quelqu'un et de découvrir un autre visage parsème les chapitres du liseur.

    Au delà de cet amour perdu, c'est aussi la question du devoir de mémoire qui est posé dans l'Allemagne d'après guerre, et comment les allemands doivent faire face avec un passé qui ne passe pas.

    Enfin, le thème de l'insoupçonnable secret et de l'ignorance qui conduit à la fuite, explique ici, sans excuser et sans dévoiler l'intrigue, cette magnifique histoire.

    50 ans après la Shoah, beaucoup de livres, de films ont été réalisés. Le liseur a le mérite de renvoyer chacun à sa conscience, en permettant au lecteur de se projeter dans l'histoire de Michaël et d'Hanna.