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    21 décembre 2022

    Se promenant aux alentours de la gare de l'est, l'auteur croise une très belle jeune femme. Il voit également un homme, "à la verticalité contrariée" parce que dire "nain" pourrait être considéré comme une atteinte à l'intégrité dudit homme. Celui-ci tente d'aborder la femme, disons pour être correct, de manière inélégante. Elle l'ignore et continue sa route. Le nabot, pardon, l'homme "à la verticalité contrariée" ressent cela comme un affront.

    Et l'auteur ne réagit pas, par crainte de se prendre un mauvais coup. Six mois plus tard, il écrit à cet homme qui ne le lira sûrement pas. Une lettre tellement bien écrite que c'est dommage que son destinataire l'ignore, mais c'est tant mieux pour nous qui avons la chance de pouvoir la lire. Il explique son inaction : "J'ai failli t'arrêter dans la rue. Te poser la main sur le bras -le truc à ne jamais faire, le contact physique qui m'aurait valu un aller simple vers le bitume, une suite de points de suture, des déceptions quotidiennes devant le miroir de ma salle de bain habitué à renvoyer l'image d'un nez dans l'axe ; pas même la reconnaissance de la fille qui aurait continué son chemin sans se retourner." (p.12)

    Le texte est beau, fait parfois sourire, nous ramène à nos hésitations à intervenir, car avouons-le, qui aurait réagi ? Qui aurait dit au nain de se taire ? L'agression verbale subie par cette jeune femme n'est sans doute pas la première ni la dernière qu'elle entendra dans sa vie et peut-être même dans sa journée. Comme Arnaud Friedmann, je me demande : "Mec, franchement, est-ce que ça a déjà marché ?" (p.3). Comment certains pensent que leurs techniques de drague lourdes peuvent déboucher sur un rencard ? Et je pense à toutes les femmes, et je les plains, qui quotidiennement se prennent des remarques, des demandes, des sifflets... Arnaud Friedmann aussi, mais lui, il le dit vachement mieux que moi, dans cette collection Lettre ouverte.