France M.

Conseillé par (Libraire)
29 septembre 2021

Lizzie est bibliothécaire à Brooklyn, et son quotidien se partage entre ses usagers farfelus (la fille qui vole les rouleaux de papier dans les toilettes, la femme qui a « presque » atteint l’illumination…) et sa famille, notamment son fils, son mari Ben et son frère, ancien toxico et constamment instable. Lizzie est aussi l’assistante de Sylvia, figure montante de la collapsologie, qu’elle accompagne en conférence et pour laquelle elle répond aux nombreux mails qu’elle reçoit.

Autant le dire tout de suite : il n’y a pas d’intrigue à proprement parler. Le roman n’est d’ailleurs pas écrit de manière traditionnelle : pas de longs paragraphes, pas de descriptions des lieux. C’est plutôt une enfilade d’instantanés de la vie de Lizzie, de paragraphes très courts qui sautent d’une idée à l’autre, davantage un reflet du mode de vie effréné d’une citadine moyenne, ce qui colle finalement bien au titre du roman ; Atmosphère est davantage un ressenti de l’Amérique pré-Trumpet qu’une véritable histoire.
Changement climatique, politique, religion, dépendance, paternité, il est étonnant de voir tous les thèmes abordés dans un si court roman, et avec une si grande justesse malgré ce style qui sort des sentiers battus. Lizzie est également une personne dotée d’un certain humour, et capable de pointer les absurdités de la vie avec finesse, sans jamais se positionner en tant que juge. Il est donc assez régalant de suivre le flux de ses pensées au long de ce court roman qui se lit d’un bout à l’autre sans accroc.

A noter qu’Atmosphère est édité par Dalva, toute jeune maison créée en 2021 et qui met à l’honneur des autrices contemporaines. Une belle occasion de découvrir leur travail.

Les enfants indociles - 1

1

Pygmalion

19,90
Conseillé par (Libraire)
19 septembre 2021

Les enfants indociles, ce sont des enfants qui, un jour, ont trouvé une porte menant vers un autre monde. Certains de ces mondes évoqueront au lecteur des contes bien connus, ou des univers mythologiques. Problème : ces enfants en sont revenus et, profondément transformés, déçus d’être rentrés, ils n’aspirent qu’à y retourner. Leur entourage ne les comprend plus, pensent qu’ils sont traumatisés ou fous, et c’est ainsi qu’ils sont envoyés à l’école d’Eleanor West qui prétend pouvoir aider ces enfants à se réadapter socialement. Ce qu’Eleanor West ne dit pas à ces familles désespérées, c’est qu’elle a elle aussi un jour trouvé sa porte.
C’est dans ce contexte que Nancy arrive dans l’institution, et c’est alors qu’une série de meurtres commence à se produire. Elle et ses nouveaux camarades se mettent alors à chercher le coupable.

On pourrait croire que l’histoire s’adresse à la jeunesse ; il n’en est rien. Les meurtres sont brutaux, sanglants, décrits sans fioritures ou états d’âmes. Ces enfants, transformés par leur séjour dans un autre monde, sont bizarrement adultes, et ont la plupart du temps des lubies propres à l’univers dans lequel ils se sont retrouvés – on pense notamment à Jack qui a une certaine passion pour l’anatomie humaine, et les cadavres... On est donc loin, très loin d’un conte de fées ou d’une école façon Harry Potter. L’ambiance est sombre, glauque, on navigue très souvent entre réalité et onirique dans ce huis-clos qu’est l’institut.
Les personnages sont tous hauts en couleur et ont leur personnalité propre – c’est même très habile, considérant que le livre fait 194 pages. Si l’on est familier du genre, le coupable se devine peut-être un peu trop vite, mais le chemin parcouru reste très agréable. Reste un style percutant propre à Seanan McGuire, qui est un peu la cerise sur le gâteau. Un très bon livre à découvrir !

Didier Jeunesse

15,90
Conseillé par (Libraire)
15 septembre 2021

En répondant à cette petite annonce, Christopher, journaliste déchu suite à une affaire qui a mal tourné, ne s’attendait sans doute pas à devenir l’assistant d’un détective privé aux méthodes bien particulières. Son employeur, Banerjee, résout des enquêtes… en rêvant ! Un jour, on leur confie une affaire bien particulière : le meurtre, à huis clos, de Lord Scriven.

Eric Senabre, auteur français de littérature jeunesse, avait déjà fait parler de lui, entre autres pour la trilogie Sublutetia, excellente série fantastique prenant place dans le métro de Paris. Cette fois, c’est à l’ambiance britannique de début du XXème siècle qu’il s’attaque avec succès : le roman évoque irrésistiblement les classiques policiers tels que ceux de Conan Doyle (impossible de ne pas comparer notre duo de détectives à Sherlock et Watson), ce à quoi s’ajoutent les énigmes à résoudre, le complot industriel de grande envergure et l’humour british très réussi. La résolution de l’intrigue est menée de main de maître et si elle appelle une suite (qui est sortie en 2018 sous le titre Le vallon du sommeil sans fin), le roman peut tout de même se lire sans problème de façon indépendante.

La construction des personnages, les nombreux rebondissements, un grand méchant qui évoque bien sûr Moriarty, la touche de fantastique, tout contribue à faire de ce livre un excellent policier pour ado qui ravira les amateurs du genre, d’Enola Holmes à Arsène Lupin.

Natalia García Freire

Christian Bourgois

20,00
Conseillé par (Libraire)
12 septembre 2021

Mortepeau est un récit étrange et sombre, proche d’un conte gothique. Lucas, le narrateur, revient dans la maison familiale après en avoir été chassé par deux inconnus. Les mêmes inconnus qui, un jour, sont arrivés de nulle part et ont été hébergés par le père de Lucas, bouleversant ainsi l’ordre familial.
De l’époque d’avant, il ne reste plus grand-chose. Son père ? Mort et enterré dans le jardin – c’est d’ailleurs à lui que Lucas s’adresse tout au long du récit. Sa mère ? Précipitée dans un sombre destin, elle n’est plus là pour entretenir le jardin, autrefois luxuriant, qui est désormais envahit de mauvaises herbes et laissé à l’abandon. C’est elle qui avait donné à Lucas un intérêt pour la botanique et pour les insectes, deux mondes dont la présence est permanente dans le récit. Chaque page est sensorielle, entre la terre qui colle aux pieds, la poussière qui vole, les insectes qui grouillent à chaque page, donnant au tout une atmosphère très particulière.

Le récit alterne entre flash-back et présent, jusqu’à sa fin inéluctable, en abordant d’autres thèmes : le passage à l’âge adulte, la maladie (physique ou mentale), l’influence de la religion sur la vie du narrateur et de sa famille, et l’on en vient à frôler le fantastique par endroits.
Si l’ambiance très particulière du livre ne plaira sans doute pas à tout le monde, Mortepeau est toutefois une de ces sorties de la rentrée littéraire qui mérite qu’on lui donne sa chance.

Conseillé par (Libraire)
8 septembre 2021

Le Chien du forgeron, c’est l’histoire du personnage mythique de Cuchulainn, sans doute moins connu qu’un Hercule, mais qui s’inscrit dans la même veine : le héros est fort, viril, et voué à la gloire. Les épisodes de la vie du personnage, de sa jeunesse en tant que Setanta à sa formation à la cour du roi où il devient connu comme le Chien et ses hauts faits qui suivirent, comme l’épisode de la razzia où le héros s’illustre en battant nombre d’ennemis, les principaux épisodes du mythe tel qu’il nous est parvenu sont retranscrits.
Néanmoins, le mythe est ici (ré)écrit par un auteur du XXIème siècle, ce qui occasionne un glissement de point de vue des plus intéressants. Si l’habileté au combat du Chien n’est pas discutable, il reste un personnage incapable de se conformer aux codes de la société dans laquelle il évolue, et totalement détestable. Cela, l’auteur nous le fait bien comprendre par le biais du narrateur – toute l’histoire est narrée par un conteur, devant son public – qui ne manque pas une occasion de dire tout le mal qu’il pense du personnage du Chien. Se pose aussi la question de la responsabilité de son entourage dans l’homme qu’il est devenu – sa mère qui le glorifie dès la naissance, son oncle le roi incapable de prendre des mesures pour le contrôler, ce qui aura des conséquences certaines sur le royaume de paix qu’il avait instauré jusqu’alors.
Le Chien du forgeron est clairement un roman anti-viriliste, avec quelques traces de féminisme, et c’est ce qui fait une grande partie de son intérêt. Le style de Camille Leboulanger est très fluide, le livre se lit tout seul et on n’aurait pas dit non à quelques pages supplémentaires, quelques détails sur des épisodes passés sous silence, même si le narrateur nous rappelle que cela n’est peut-être pas de son ressort. Bref, un excellent roman entre historique et fantasy qui a de bonnes chances d’être l’un des meilleurs du genre cette année.