Nathalie -.

Inculte-Dernière Marge

12,90
Conseillé par (Libraire)
24 février 2022

Seyvoz

Seyvoz était le nom d'un village de montagne. Il est devenu celui d'un barrage édifié dans les années cinquante. Un lac artificiel, et le village englouti pour fournir l'électricité aux citadins.
Le texte est écrit à quatre mains, c'est ce qui porte toute l'originalité et l'intensité de ce roman.
Une encre noire dit le présent, celui de Tomi Motz, ingénieur de chez Voltang qui ne parvient pas à accomplir sa mission de vérification des installations. Il ne trouve pas l'interlocuteur qu'il doit rencontrer, souffre de troubles qui lui donnent la sensation de perdre la raison.
Une encre bleue dit le village d'avant et ce que provoque la décision de la construction du barrage. Le village doit se vider de ses habitants et les tombes du cimetière sont déplacées. La main d'oeuvre face au chantier immense afflue de partout. Le mur bétonné renferme ses morts accidentés, l'histoire des rencontres entre autochtones et étrangers, les événements que l'édification du barrage a provoqués.
Les deux récits s'entremêlent, se complétent et sourd crescendo l'angoisse. En lisant, m'est revenu à l'esprit un épisode de la quatrième dimension –pour ceux qui s'en souviennent– où un homme seul s'enfonce et erre dans une ville vide, désertée, entrant dans des maisons devenues inoccupées et poussiéreuses alors qu'au dehors le vent fait virevolter papiers, déchets et autres objets.
Peu à peu, le réel échappe et l'angoisse monte vers quelle fin ?! C'est formidablement écrit.

20,90
Conseillé par (Libraire)
19 février 2022

Les derniers jours des fauves

Voici un thriller politique, sombre à souhait mais totalement jubilatoire, mené dans un rythme endiablé. Tout le plaisir de lecture réside dans la notion de fiction même. En effet, il vaut mieux éviter de faire quelque parallèle que ce soit avec la vie politique française dans le contexte actuel de la présidentielle...
Nathalie Séchard est présidente de la république française depuis 2017. Elle annonce qu'elle ne sera pas candidate aux prochaines élections. Évidemment, ça crée des envies au sein de son gouvernement, dans le contexte d'une pandémie, de manifestations antivax, d'un confinement sans concession, et d'émeutes qui se multiplient.
On voit les façons de faire des deux principaux prochains candidats, pour s'attirer les voix. Manipulations, réseaux mafieux, tentatives de dissuasion et nouvelles façons d'envisager la politique se mêlent vers quel résultat ?
Une langue pointue et goguenarde. Un art du récit, et des événements qui s'enchaînent, vous tiennent en haleine jusqu'à la fin.

Conseillé par (Libraire)
17 février 2022

La position du mort flottant

Ami.e.s de la poésie, voici de quoi nourrir votre esprit toute votre vie durant ; le dernier recueil de poésie de Jim Harrison traduit. Très jolie édition avec une note de quelques pages en fin d'ouvrage du traducteur, Brice Matthieussent, expliquant le contexte d'écriture par celui qui se nommait lui-même, selon son état, Big Jim ou Poor Little Jim.
Dans cet ouvrage, les poèmes disent la souffrance, la maladie, le manque de la nature, comment ne pas sombrer face au corps qui se délite, à l'esprit qui ne cesse de flancher, et la poésie comme ressusciter les dieux. Adopter la position du mort flottant, c'est développer des techniques intimes à survivre.
Plusieurs lectures déjà de chaque poème et à chaque fois, la sensation heureuse de la découverte. C'est le grand pouvoir de la poésie bien sûr mais une indéniable profondeur se joue dans chaque mot.

Un poème, Esprit

Roumi m'a conseillé de loger mon esprit
en haut des branches d'un arbre et de ne pas le quitter
trop longtemps des yeux, alors j'installe le mien
dans les très grands saules derrière le fossé d'irrigation,
un endroit non contaminé par l'infecte
culture de la cupidité et de l'assassinat de l'esprit.
Les gens oublient que leur esprit étouffe pour un rien,
qu'ils doivent le placer tout en haut d'un arbre
d'où ils peuvent le faire revenir n'importe quand.
Mieux vaut être en plein air, car l'esprit a du mal
à entrer dans les maisons, les immeubles et les avions.
À New York je retrouvais le mien devant
la cage aux gorilles du zoo des enfants à Central Park.
Il refusait d'entrer dans l'hôtel Carlyle,
trop cher à son goût. À Chicago il ne veut pas
mettre les pieds au Drake mais par la fenêtre je le vois
planer au-dessus du lac Michigan.
Plus que tout autre chose, l'esprit est attiré
par l'humilité. Si je dormais dans la rue
il serait sous le carton avec moi.

Conseillé par (Libraire)
15 février 2022

Et ils dansaient le dimanche

Ce roman se déroule entre 1929 et 1936. Szonja et sa cousine Marieka décident de quitter la Hongrie pour se faire embaucher en France dans une usine de production de viscose dite la soie du pauvre. Elles espèrent échapper ainsi à la dureté de la vie paysanne.
Arrivées en banlieue Lyonnaise, elles sont installées dans une institution religieuse et travaillent dix heures par jour dans les vapeurs toxiques. Évidemment, elles ne sont pas bien payées, moitié moins que les hommes qui plus est.
Elles cotoient d'autres immigrés italiens, polonais, arméniens, espagnols, fuyant la misère ou les régimes fascistes, et des français venus se faire embaucher là pour échapper à la vie paysanne misérable.
On lit avec grande curiosité la vie de Szonja et celles de ses amis, rythmées par le travail, la maladie, les amours, le deuil aussi. Les plus anciens embauchés dans cette usine forment liens et solidarité au fil du temps, jusqu'à réveiller en chacun une conscience politique des conditions de travail toujours plus dures, de la précarité accrue, des lendemains qu'il leur faut inventer. Surtout, ils n'ont rien à perdre. Qu'advienne le Front Populaire.
Paola Pigani fait de ce roman une oeuvre poétique où le quotidien de ses personnages se dessine à nous, comme si c'était l'histoire de nos proches qui nous était racontée.

22,00
Conseillé par (Libraire)
13 février 2022

Connemara

Voici une fresque sociétale et intime extrêmement bien réussie. Nicolas Mathieu nous plonge dans les vies d'Hélène, de Christophe et de leurs familles. Tous deux sont autour de la quarantaine qui rime à chacun avec remise en question.
Hélène a fait des études brillantes à Paris, mène une vie professionnelle bien remplie après un burn out qui la mène à Nancy. Elle a une vie de famille tout à fait classique mais elle s'ennuie.
Christophe, quant à lui n'a jamais quitté sa ville natale. Ancienne star de l'équipe de hockey, il tente un retour peu convaincant. Son ex-compagne va quitter la région, emmenant leur fils Gabriel de huit ans et son père devient de plus en plus difficile à gérer du vieillissement. Son boulot l'exténue de rouler vers ses objectifs intenables en vendant des croquettes pour animaux.
Hélène et Christophe vont se re-trouver, de parenthèses sexuelles et amoureuses nécessaires à tenir, à se sentir vivants.
Mais pour aller vers quoi ?
Nicolas Mathieu livre une réflexion tenue sur le monde du travail aujourd'hui, sur ce à quoi chacun aspirait, jeune, pour arriver à ce mi-temps de la vie où se posent les questions Pourquoi en est-on là ? De quoi sera fait demain ?
Le texte et les êtres racontés là sont pleins de nuances, extrêmement vivants et intenses, portés par la vie d'aujourd'hui, dite avec finesse, dans ce monde quelque peu désenchanté.
Un charme discret et une acuité dans l'écriture de Nicolas Mathieu.