Un chef d'oeuvre de la littérature russe contemporaine
Evgueni Vodolazkine est un digne héritier des grands romanciers russes du XIXème siècle, il nous le prouve d'ailleurs avec "L'aviateur", un roman profond et mélancolique.
Le personnage principal, Platonov, se réveille à l'hôpital en 1999. Il est amnésique et doit noter ses souvenirs, ses rêves et ses pensées les plus intimes pour tenter de recouvrer la mémoire. Nous comprenons alors rapidement qu'il est "un enfant du siècle", né en 1900.
Nous allons suivre Platonov dans sa reconstruction, aidé par son médecin, puis par une jeune femme à laquelle il s'attache très vite.
C'est un livre que l'on dévore pour résoudre les mystères de la vie de Platonov. Il met subtilement en relation la Russie d'avant et après la révolution, puis la Russie post-soviétique.
Cependant, à la dimension historique s'ajoute aussi une dimension universelle: Vodolazkine aborde de manière très poétique et sensible plusieurs réflexions sur notre rapport à l'Histoire et la notion "d'événement", sur la mémoire commune, sur notre capacité à pardonner, à nous reconstruire et la nécessité de se satisfaire des petits plaisirs quotidiens.
Eugénie est d'une beauté sans pareil, sombre et lumineuse à la fois, mais elle est surtout la fille malheureuse du Roi Cruel. Un roi sanguinaire, fou, amoureux des règles qu'il écrit par milliers et qu'il fait appliquer simplement et efficacement: la décapitation en réponse à chaque délit. Alors qu'Eugénie est une fois de plus accusée d'avoir transgressé une règle, elle se retrouve mariée de force à Barbiche, dont le royaume est riche mais chagrin, faste mais à l'horreur dégoulinante. Sur le chemin vers un nouveau et funeste destin , Eugénie sauve un Chien Noir.
Conte gothique, à la poésie envoutante, à la noirceur fascinante, "Le Chien Noir" se lit d'un souffle, en retenant votre respiration jusqu'au dénouement final. C'est une plongée dans les abysses des âmes les plus sombres et les recoins des cœurs les plus purs. Puissant, intense, c'est un livre qui va vous déranger, vous remuer et vous bouleverser, mais c'est définitivement un livre qui va vous marquer et qui vous collera à la peau.
Un roman d'apprentissage drôle et soigné!
Bulgarie, années 80.
Une fillette un peu à part se passionne pour Youri Gagarine et souhaite devenir cosmonaute lorsque les autres filles de son âge rêvent de devenir institutrice. Elle a un grand-père "vrai communiste", et ne comprend pas ses parents qui lèvent les yeux au ciel lorsqu'elle parle de son amour pour la Russie Soviétique. Elle se demande d'ailleurs ce qu'ils peuvent bien se dire, tous les deux, lorsqu'ils s'enferment, journaux à la main, dans la salle de bain...
"Les cosmonautes ne font que passer" est écrit à la deuxième personne du pluriel et semble s'adresser directement à nous. Le sujet est sérieux: il s'agit tout de même de parler d'un pays qui a perdu ses racines, de sa population qui ne sait plus qui est ami et qui ne l'est pas, d'une population qui, par conséquent, devient rapidement bipolaire.
Mais le ton est léger, impertinent et rafraichissant. Cette succession d'événements intimes prête à rire ou à l'émotion. Le regard de la jeune fille change au fur et à mesure qu'elle dresse le bilan de ses apprentissages. Elle grandit, affirme ses goûts… La crise d'ado n'est pas loin, tout comme la crise de l'Union Soviétique…
Un fidèle compagnon de chevet!
"Votre présence ne me fait pas mal et j'aime les gestes tendres,
simplement il m'arrive parfois d'avoir besoin d'une nuit sans étoiles et d'un jour sans déclarations."
Encore une fois Cécile Coulon, avec son burin à plume, grave en nous ses vers si sensibles.
Que nous soyons à la recherche d'un peu de douceur ou d'évasion, nous trouvons dans son recueil concision, empathie, blessures et amour du quotidien.
Il se feuillette, il se découvre, il se dévore, peu importe comme on choisi de l'aborder, le lire est un ravissement.
Alors qu'il lutte contre une gueule de bois et une page blanche (jaunie), le narrateur reçoit une drôle de proposition: s'immoler par le feu devant l'immeuble du Comité Central du Parti. Les membres de l'opposition y ont bien réfléchi, et c'est bien lui l'heureux élu! Il s'agit là d'une évidence, et on ne peut lutter contre elle.
Le narrateur dispose d'une journée pour se préparer. Une journée pendant laquelle il va déambuler dans une Varsovie à l'atmosphère délétère, où les contrôles d'identité se font à tous les coins de rue et où on ne sait même plus quel jour (quelle année!) nous sommes.
Nous le suivons sur des chemins de traverses, nous rencontrons des personnages déroutants qui interrogent notre condition humaine et notre pouvoir d'action.
Les dialogues sont délectables, les situations burlesques et l'humour mordant, piquant, brûlant. L'auteur joue avec les genres, les dissout pour mieux les mélanger: comédie noire, tragédie facétieuse ou farce philosophique? Tadeusz Konwicki sait mettre le doigt là où ça fait mal, mais avec le sourire, un bidon d'essence de couleur bleue et une boite d'allumettes suédoises, s'il vous plaît!
Merci aux éditions du Typhon de nous permettre de (re)découvrir ce grand texte de la littérature Polonaise!