Karen M.

  • 1
  • 2

Enquête sur un maquisard breton

Skol Vreizh

16,00
Conseillé par
23 mai 2020

Mon oncle de l'ombre

Mon oncle de l'ombre, une lecture qui ne laisse pas indemne.
Au départ, il y a cette photo entourée de mystères. Stéphanie Trouillard sait qu'il s'agit du frère de son grand père, André Gondet, tué pendant la seconde guerre mondiale mais le sujet reste tabou, il ne faut pas en parler et surtout pas à son grand père. Son chagrin est tel qu'il refuse de parler de cette époque et de ce frère qu'il a pourtant tant chéri. Les années passent mais les non-dits demeurent et vont finir par attiser la curiosité de la jeune journaliste passionnée d'Histoire. Elle veut comprendre, savoir qui était ce grand oncle dont personne ne parle, comprendre les motivations de son engagement dans le maquis de Saint Marcel et les circonstances de sa disparition tragique un jour de juillet 1944. Nous lui emboîtons le pas du Morbihan jusqu'en Allemagne, en passant par Paris, dans des salles d'archives ou devant un bon café mais aussi sur internet ou par missives interposées. le démarrage est difficile mais elle s'accroche. Il faut qu'elle sache, c'est un besoin viscéral. André Gondet semble oublié de tous, à croire qu'il n'a jamais existé mais à force de ténacité, elle finit par recueillir des témoignages et en dresser un portrait de bon vivant, au sens de l'humour, ne rechignant pas à la tâche.
Mais rapidement, le collectif prend le pas sur l'individuel. Il ne peut en être autrement lorsqu'on aborde la résistance. L'histoire familiale s'inscrit dans la grande Histoire, celle d'une France piétinée par l'occupant nazi. André Gondet faisait partie de cette armée des ombres, magnifiquement peinte par Joseph Kessel. Ces jeunes hommes et femmes ont puisé force et courage dans leur jeunesse et dans l'amour de la patrie en péril et ressentaient au plus profond de leur être la nécessité de se battre, de ne jamais se résigner. Ces petits gars, jeunes maquisards de Saint-Marcel ou d'ailleurs, nous ont fait le sacrifice de leur vie pour que nous puissions connaitre la liberté. Ce devoir de mémoire est essentiel, nous ne devons jamais oublier, c'est notre histoire à tous.
Stéphanie Trouillard signe ici un magnifique premier livre, richement documenté et bien écrit, où elle nous livre une vérité sans fioritures ni faux semblants en osant mettre le doigt sur des sujets sensibles tels que la place de la femme dans la résistance ou encore la collaboration.
« Les morts ne sont vraiment morts que lorsque les vivants les ont oubliés » dit le proverbe. Pari réussi.

Conseillé par
23 mai 2020

"Si je reviens un jour" - Les lettres retrouvées de Louise Pikovsky

En 2010, on retrouve de vieilles lettres et photographies dans une vieille armoire du lycée Jean-de-La-Fontaine dans le 16ème arrondissement. A partir de ces documents, de Paris à Jérusalem, en passant par Drancy et Auschwitz, une enquête est menée. On découvre que ces lettres ont été écrites par Louise Pikovsky, une ancienne élève, à sa professeure Melle Malingrey. le nom de Louise aurait pu tomber dans l'oubli. Stéphanie Trouillard lui a redonné vie, d'abord dans son webdocumentaire, puis dans cette belle et émouvante bande-dessinée. Rapidement, on s'attache à Louise, promise à un bel et brillant avenir. Au travers de ses lettres, on perçoit une jeune fille généreuse, studieuse et spirituelle. « Je voudrais pouvoir lire, lire en ne m'arrêtant que pour penser à mes lectures » écrivait Louise à sa professeure. Leurs échanges épistolaires parlent de la foi, de la famille ou de l'amitié, en somme de la vie. Elles ne parlent pas directement de la guerre mais on la devine à chaque ligne, dans chaque questionnement de la jeune fille. Melle Malingrey n'oubliera jamais son élève. Elle aurait tant voulu la sauver. La famille Pikovsky, unie, ne voulait pas se séparer. Avaient-ils conscience de l'imminence du danger qui les guettait ? Après tout, ils étaient Français. Mais Albert Pikovsky venait de l'Est et avait été déchu de sa nationalité. Louise aura tout juste le temps d'apporter son cartable à la concierge de Melle Malingrey avec ces quelques mots "Nous sommes tous arrêtés. Je vous laisse les livres qui ne sont pas à moi et aussi quelques lettres que je voudrais retrouver si je reviens un jour". Le convoi numéro 67 ne ramènera jamais la famille Pikovsky qui ne voulait pour rien au monde être séparée.
La lecture pourra être prolongée du webdocumentaire :
http://webdoc.france24.com/si-je-reviens-un-jour-louise-pikovsky/
Cette bande dessinée, tragique mais si indispensable au devoir de mémoire, est à mettre absolument entre toutes les mains.

Conseillé par
3 novembre 2017

L'armée des ombres

Joseph Kessel écrit l'armée des ombres, considéré comme le roman-symbole de la Résistance, en 1943 depuis Londres. Dans sa préface, il précise : « Tout ce qu'on va lire ici a été vécu par des gens de France. Mon seul souhait est de ne pas avoir rendu avec trop d'infidélité leur image ».

On pourrait qualifier ce texte de roman non-fictionnel ou d'oeuvre journalistique. A travers le personnage de Gerbier comme fil conducteur, Kessel livre des témoignages de ces hommes et de ces femmes de l'ombre qui ont refusé de se résigner. Pour ne pas mettre en danger les protagonistes, il brouille les pistes, modifie les lieux et les noms. A travers un petit groupe de Résistants, c'est toute la Résistance qui est ici magnifiée. L'écriture est sobre, authentique et sans fioritures, percutante et saisissante. On y découvre des hommes et des femmes, unis contre l'occupant nazi et contre la France vichyste, qui ont su mettre de côté leurs divergences passées. Qu'ils soient Gaullistes, communistes ou encore royalistes, ils combattent ensemble l'ennemi commun. La clandestinité a abattu les barrières sociales et les clivages politiques. Ces hommes ne sont pas des soldats, civils pour la plupart, ils vont devoir apprendre à se battre et à tuer : l'ennemi et le traître mais parfois aussi le camarade qui aura flanché sous la torture. Ce dernier n'en est pas moins valeureux pour autant mais simplement humain. Et les tortures sont insoutenables. Mais la sécurité du réseau est la priorité de tous, le collectif prime sur l'individuel, pour le bien de chacun de ses membres. Certains, par peur de "donner" leurs camarades, préfèrent se prémunir de cyanure. La Résistance, c'est aussi un mélange de confiance et de méfiance. Sans confiance, impossible de recruter ou de trouver des soutiens parmi la population, mais la méfiance est constante, omniprésente et indispensable. Malgré tout, ses membres et soutiens sont infiltrés partout. Il n'existe pas une administration, un commissariat où la Résistance n'a pas ses informateurs ; Vichy même n'est pas épargnée. Dans la Résistance, la nature de l'homme se révèle et peut apporter de belles, comme de mauvaises surprises. C'est là que réside toute la beauté de ce court mais grand texte qui est certainement la plus belle peinture de la Résistance, criante de vérité et de sincérité. Devoir de mémoire, ce roman amène le lecteur du XXIème siècle à ne pas oublier ces anonymes et invite à se poser la sempiternelle question «Qu'aurions-nous fait à leur place ? ».

Conseillé par
3 novembre 2017

Le club des incorrigibles optimistes

Ce roman est né d'un souvenir d'enfance, d'un hasard de la vie. A l'arrière du Balto de Denfert-Rochereau, Jean-Michel Guenassia aperçoit Kessel et Sartre disputant une partie d'échecs, il note également la présence d'hommes semblant venir des pays de l'Est. A partir de cette image restée gravée dans sa mémoire, l'auteur a su tisser un long et savoureux roman, d'une grande richesse historique.

Michel Marini, le narrateur, nous entraîne dans le Paris mouvementé des années 60. D'octobre 1959 à juillet 1964, on le suit dans une adolescence rythmée par le rock'n roll, le babyfoot, les évènements d'Algérie, la guerre froide, le communisme, les attentats contre Sartre, le procès des Rosenberg... Personnage attachant, ce lecteur compulsif et amateur de photographie, adolescent pourtant ordinaire, va faire une multitude de rencontres qui vont bouleverser sa vie, lui apporter une grande ouverture d'esprit et le faire mûrir. Au fond du Balto, modeste bougnat de Denfert, il découvre un club d'échecs rebaptisé le Club des Incorrigibles Optimistes où il va faire de fabuleuses rencontres : Igor, Werner, Sacha, Leonid, Imré, Gregorios, Pavel… Ces apatrides, juifs pour la plupart, communistes ou anti-communistes, ont fui le rideau de fer, laissant derrière eux femme et enfants au pays et sont confrontés à la dure réalité de l'exil. Mais ces hommes à qui il ne reste plus rien, qui ont perdu, jusqu'à leur identité, sont malgré tout vivants. Pour eux, il reste donc encore un espoir auquel ils s'accrochent. Ils ont survécu à l'horreur, rien n'est alors impossible. D'autres personnages, extérieurs au club ont également une forte influence sur l'adolescent : Cécile, Pierre, son frère Franck, son grand-père Enzo, Camille…
A travers ces tranches de vie racontées par bribes, le jeune Michel apprend la vie et détient les clefs pour tenter de construire sa propre pensée politique.

Conseillé par
3 octobre 2017

Le Montespan

Si le nom de la Montespan, célèbre favorite de Louis XIV, est resté gravé dans l'Histoire, la postérité n'aura pas retenu celui de son époux, Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, Marquis de Montespan. Jean Teulé réhabilite ici un nouvel oublié de l'Histoire, dans une prose plus caustique et piquante que jamais. Le Roi Soleil et sa cour y sont dépeints sous les traits les plus sombres et les plus graveleux, tourmenteurs d'un pauvre Marquis de Montespan dont le plus grand défaut fut d'aimer sa femme, à une époque et dans un milieu où c'était contraire aux usages. Alors qu'il aurait pu devenir immensément riche et se prémunir du besoin en coulant des jours paisibles, le Montespan, bien qu'« époux séparé quoiqu'inséparable », préféra sa belle à la manne royale. Cet aristocrate désargenté poussa l'insolence jusqu'à s'attaquer directement au monarque absolu, détenteur de droit divin, tentant de récupérer sa moitié par tous les moyens, bravant tous les risques et se ridiculisant devant une cour à la fois ulcérée et friande de ses manœuvres.

L'inspirateur de l'Amphitryon de Molière, haut en couleur, anti-héros par excellence, était un personnage idéal pour ce texte burlesque et émouvant. Mais réhabiliter le Montespan, c'est aussi honorer celui qui a osé contrer l'ordre établi d'un Roi Soleil jupitérien. Alors que n'importe lequel de ses semblables rêvait de voir son épouse dans le lit du Roi Soleil, le Montespan, lui, souffrant dans sa chair, s'y refusa douloureusement. On lui demandera de se taire. Il ne le pourra jamais. On refermera ce roman avec une bien piètre image de Louis XIV et de sa cour, microcosme perfide, pervertissant les meilleurs. L'Histoire, totalement désacralisée, est aussi tristement réaliste. Il faut malgré tout garder à l'esprit qu'il s'agit d'une biographie romancée et que Jean Teulé s'arrange parfois avec l'Histoire et, s'érigeant en défenseur du Montespan, peut manquer d'une certaine impartialité. L'essentiel du récit reste malgré tout assez fidèle à la vie de cet homme, révolutionnaire avant la lettre malgré lui, qui méritait bien cet hommage. Ce roman devrait conduire le lecteur à approfondir cette période du faste de la Montespan en la regardant sous un autre jour, un peu plus obscur.

  • 1
  • 2