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Flammarion

17,00
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23 mars 2013

Kramer l'implacable

Quand on lit un roman de Pascale Kramer, il y a toujours un moment où on est pris de panique. Ici, plongé dans " Gloria ", on ne sait pas exactement à quelle page on s’est mis à trembler, mais l’angoisse est bien là, qui s’est insinuée malgré nous, perfidement. Parce qu’au fond, on ne sait plus très bien pourquoi Michel rend aussi souvent visite à Gloria. Parce que la jeune femme l’intéresse ? Mais n’est-ce pas plutôt Naïs, la petite fille de la maison, qui l’attire ? Naïs dont Gloria a posté des photos sur internet, photos que Michel regarde sur son ordinateur quand il est seul chez lui. Et que cherche Gloria, quand elle contacte Michel ? A se faire aider, ou à le manipuler ? Elle sait qu’il a perdu son emploi d’animateur dans un foyer pour jeunes femmes en galère, et elle sait qu’il l’a perdu à la suite de rumeurs l’accusant d’être un peu trop attaché à certaines pensionnaires et leurs enfants. Elle-même a eu affaire à lui à l’époque, elle ne s’est plainte de rien mais ne l’a pas disculpé non plus. Alors on s’interroge, on revient en arrière, on cherche à se rassurer. Après tout, rien n’est certain. Peut-être Michel est-il animé de bonnes intentions lorsqu’il retourne dans la cité HLM où vit Gloria, peut-être est-il sincèrement inquiet du sort de la petite Naïs. Mais en revanche  Gloria s’occupe-t-elle correctement de sa fille ?

Pascale Kramer excelle à créer une tension dans sa phrase. Peu de dialogues, une description minutieuse des gestes de chacun, de petits détails troublants savamment disséminés dans le texte, voilà le style parfaitement maîtrisé de cette romancière. Kramer sonde les zones cachées de ses personnages, mais suggère plus qu’elle ne dit et laisse une chance à chacun. Surtout, et c’est un vrai plaisir, elle laisse sa chance au lecteur. A lui de choisir, d’imaginer, de comprendre, sans que, comme dans tant de mauvais romans, on lui prémâche le travail. Ceux qui apprécient cet écrivain venu de Suisse ne seront donc pas déçus. Ce nouveau titre s’inscrit dans la droite ligne des superbes " Retour d’Uruguay ", " Fracas ", " L’implacable brutalité du réveil ". Mais de nouveaux thèmes apparaissent : la précarité, la banlieue, la vie dans les marges observée avec empathie. Et, comme souvent chez Kramer, un enfant est au centre du roman. D’une manière ou d’une autre, cet enfant changera la vie de tous les autres personnages.

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23 mars 2013

Ich bin ein Berliner!

Quand Elizabeth Taylor aimait, elle épousait. C'est un peu la même chose pour Douglas Kennedy, mais côté immobilier! Lorsqu'il se sent bien dans une ville, il achète un appartement. Il y eu Londres, Paris, et maintenant Berlin, où il possède un joli pied à terre dans l'ancienne partie Est. C'est là qu'il s'est en partie installé pour écrire " Cet instant-là ".

Il y a deux veines Kennedy. Le polar, genre « L’homme qui voulait vivre sa vie », ou le récit plus romantique comme « La poursuite du bonheur », « Quitter le monde», et le livre qui paraît aujourd’hui, « Cet instant-là ».  On peut aimer l'une, l'autre, ou les deux, ce qui est mon cas. Car quel que soit le genre, on trouve finalement toujours les mêmes pistes, les mêmes explorations: explorer l'âme humaine, imaginer de quoi les gens sont capables (et ce n'est pas toujours du meilleur), mais surtout, et c'est ce qui le fascine le plus, déterminer l'instant qui fera basculer le destin, la mauvaise décision qui gâchera le reste de votre vie, la rencontre que vous n'auriez jamais dû faire... " Cet instant-là " se situe en pleine guerre froide, il imagine une histoire d’amour entre un Américain, venu à Berlin en reportage, et une jeune femme qui a fui l’Est, où elle a vécu l’horreur. L'écrivain nous plonge dans cette atmosphère oppressante de la guerre froide, où la grande Histoire court- circuite la petite. Et, comme toujours chez ce cher Douglas dont l'optimisme n'est peut-être pas la meilleure vertu, la poursuite du bonheur s’avère une tâche aussi compliquée qu'hasardeuse.

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22 mars 2013

L'autre livre de la jungle

Comment expliquer que de ces six ans et demi de captivité, il ne reste aucune trace sur ce visage aussi lisse que celui d’une madone ? On attendait un témoignage, coécrit avec un journaliste, mais c’était mal connaître cette femme qui ne se trouve jamais là où on l’attend. Et la voici devenu écrivain à part entière avec « Même le silence a une fin », un récit envoûtant dont vous ne verrez pas passer les 800 pages.

**Rencontre**

**Quand est née l’idée de ce livre ? Dans la jungle, à votre libération ?** Lorsque j’étais en captivité, je me disais qu’il fallait témoigner. Et lorsque j’ai été libérée, je me suis retrouvée dans l’impossibilité de raconter à maman, à mes enfants ce que j’avais vécu. Quand j’essayais, je lisais tellement d’horreur dans leurs yeux, que je m’effondrais. Ecrire est alors devenu le seul moyen de m’exprimer. Mais je voulais le faire seule, car personne d’autre ne pouvait trouver les mots pour raconter ce que j’avais vécu.

**On a l’impression que chaque détail de ces années de captivité reste imprimé dans votre mémoire.** Non, j’ai oublié beaucoup de choses, qui me reviennent petit à petit. Mais lorsque je suis sortie, pendant les six mois qu’il m’a fallu pour me réadapter à la vie, j’ai pris des notes. Et quand j’ai commencé à écrire, un souvenir me conduisait à un autre. J’ai eu besoin d’un an et demi pour arriver à bout de cette histoire. Cela a commencé par me faire souffrir, puis ça a fini par me libérer. L’introspection a nettoyé certaines plaies. Et je voulais être moi- même : ni Ingrid la sainte, ni Ingrid l’horrible, juste moi-même tout simplement.

**Qu’est-ce qui vous a le plus manqué pendant cette période ?** La liberté tout simplement. La liberté d’être avec des gens qu’on aime, d’avoir l’usage de son temps. On n’avait aucun choix possible, sauf celui de définir qui on veut être. J’ai découvert qu’on pouvait se modeler selon l’ambition que l’on a de soi-même. Cela a été une révélation.

**Dans votre livre, vous décrivez les rapports difficiles avec les FARC bien sûr, mais aussi avec vos compagnons de captivité. Comment expliquez-vous ce manque de solidarité ?** Nos geoliers étaient parfois gentils, mais la plupart du temps ils étaient épouvantables. Pourquoi cette méchanceté gratuite ? Je pense que posséder des armes, n’avoir pas de témoin et pouvoir se cacher derrière une hiérarchie débloque des instincts primaires. Quant aux prisonniers, à partir du moment où ils acceptent la loi et l’autorité de ces criminels, ils justifient le mal qu’ils peuvent leur faire. Et c’est l’effondrement de la dignité de soi. Les comportements deviennent serviles et il n’existe plus aucune solidarité.

**Vous avez beaucoup parlé de votre foi. Est-ce cela qui vous a aidée à tenir le coup ?** Bien sûr, mais ce qui m’a aidée bien davantage, c’est que j’étais psychologiquement solide. J’ai vécu une enfance très heureuse à laquelle je me raccrochais. La foi, elle, a servi à donner un sens à ce que je vivais. A me convaincre que ce n’était pas du temps perdu, que cette épreuve me grandissait.

**Eprouviez-vous d’autres peurs que celle de mourir ?** J’avais peur d’attraper une maladie incurable, peur d’avoir un accident et devenir paraplégique. Peur aussi de devenir ce qu’ils voulaient, une vieille chose rabougrie et pleine de haine. Je me suis forcée à réapprendre à rire et à sourire pour ne pas laisser la rancune gagner.

**Comment vous êtes-vous réadaptée à la vie ?** Se réadaper au bonheur est facile. Avec mes enfants, il y a eu des petits accros, mais ils étaient nécessaires. J’avais quitté des adolescents, je retrouvais des adultes. Au début, il y avait une pudeur, une distance qu’il fallait réduire. Je voulais que mes enfants aient une maman. Mélanie me lançait, « tu as souffert, mais nous aussi ». Et Lorenzo, alors que je lui avais fait une remarque, m’avait répondu « tu ne me connais plus, mes amis me connaissent mieux que toi ». Ce qui n’était pas vrai, mais il nous a fallu du temps pour trouver de nouveaux moyens de communication.

**Qu’est-ce qui ne sera plus jamais comme avant ?** Rien ne sera plus jamais comme avant. Je suis revenue dans un monde sans mon père, qui est mort pendant que j’étais en captivité. Je n’étais pas auprès de lui, je n’étais pas avec ma sœur, et les conditions de cette mort restent pour moi un déchirement.

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22 mars 2013

Chronique de Manhattan

Peter, un galeriste à la quarantaine bien entamée, représente des artistes débutants, dont on ne sait pas encore s’ils deviendront célèbres ou s’ils tomberont dans l’oubli. Il a une femme, Rebecca, et une fille avec laquelle les relations se sont distendue. Il va se rendre compte de l’équilibre fragile de son existence, lorsque son très jeune beau-frère, Mizzy, vient habiter chez eux pour une durée indéterminée. Mizzy est un peu l’enfant gâté de la famille, il a des problèmes de drogue, et il continue à chercher sa vocation. C’est aussi un individu sans scrupule ni morale, et prêt à tout pour arriver à ses fins, même à séduire le mari de sa sœur. Celui-ci, bien qu’il ait jusqu’à présent vécu une sexualité sans ambiguïté, se voit tenté, tenté seulement, par ce jeune corps musclé qui n’est pas sans rappeler, par sa beauté, une sculpture de Rodin admirée au Metropolitan Museum. Michael Cunningham ne nous livre pas une vision de la famille extrêmement réjouissante, mais il excelle dans sa description d’un certain milieu (les bobos et les artistes), d’une certaine génération (les quadragénaires), d’une certaine époque (aujourd’hui, à New York).

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21 mars 2013

Mourir vivante

« Ma mère était bleue, d’un bleu pâle mêlé de cendres, les mains étrangement plus foncées que le visage, lorsque je l’ai trouvée chez elle, ce matin de janvier. » Parce qu’elle n’arrive pas à joindre sa mère, Delphine de Vigan se rend chez elle. Et là, c’est le drame. Lucile s’est suicidée depuis plusieurs jours et elle a préparé des petits cadeaux pour les gens qu’elle aimait. Maniaco-dépressive, elle semblait pourtant aller mieux ces derniers mois, avoir repris goût à la vie. Mais dans la lettre qu’elle adresse à ses « filles chéries, les deux personnes qu’elle a le plus aimées au monde », elle leur explique qu’elle « préfère mourir vivante. » C’est ce parcours fait de quelques hauts mais surtout de nombreux bas que raconte ce si beau livre qui vous prend aux tripes. " Rien ne s'oppose à la nuit " a fait écho chez des dizaines de milliers de personnes, qui éprouvèrent un infini chagrin pour cette femme qu’ils ne connaissaient pas et dont, pourtant, ils se sentaient proches. Il aura fallu ces quatre cents pages à Delphine de Vigan pour qu’elle arrive à pardonner à Lucile son suicide. Et finisse même par admirer son courage.

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