Le murmure du monde

7 - Une mite sous la semelle du Titien

Cette mite couchée sur le dos, aplatie, blanchâtre, bien visible à cause de la couleur brique du carrelage, probablement déjà desséchée à l'intérieur, tout le psychisme qui était sans doute dans son ventre mou s'est évaporé, impossible de savoir comment elle est finalement morte, impossible de savoir si elle a vécu la plénitude de sa vie de mite, son psychisme s'est infinitésimalement dilué dans l'espace, alourdissant de son poids éthéré la pesanteur de l'univers, cette mite sur le dallage, le Titien ne l'a pas vue, cette petite macule, inoffensive saleté, c'est peut-être lui qui a marché dessus, l'aplatissant, alors que le petit ventre palpitait encore avec un dernier reste de vivacité. Lambert Schlechter, né à Luxembourg en 1941, vit au Grand-Duché, dans le vignoble mosellan, parmi vignes, nuages, embellies et de temps en temps oies sauvages. (C'est pour cela même qu'il est le plus chinois de tous les poètes vivants.) Poète (Le Fracas des nuages, éd. Le Castor Astral), nouvelliste (Partance, éd. de L'Escampette), chroniqueur (Smoky, éd. Le temps qu'il fait) ou romancier (Le silence inutile, éd. La Table Ronde), il élabore une œuvre singulière qui échappe à toutes les modes. Ce volume est le 7e de sa série en cours de parlerie permanente avec « Le murmure du monde ».