Willibald
EAN13
9782889070497
Éditeur
Zoé
Date de publication
Collection
DOMAINE FRANCAIS
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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Willibald

Zoé

Domaine Francais

Indisponible

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Willibald est le héros d’une famille disloquée aux quatre coins de l’Europe.
Né à Vienne, il est orphelin en 1912, à l’âge de 18 ans. En l’espace d’une
année, il perd sa mère adorée, ses deux petits frères et finalement son père.
En plein deuil, il se voit contraint de reprendre la fabrique de feutre de son
père. Son goût pour la peinture, hérité de son grand-père Salomon, le sauve
d’une profonde mélancolie. Intuitif, beau parleur et agile, il gère si bien
l’entreprise qu’il peut acheter des Van Dick, des verres du XIVe siècle et
faire rénover la maison familiale par le grand architecte Rudolf Loos. En
1938, il cache 16 caisses d’œuvres d’art, fait détruire le catalogue raisonné
de sa collection, met sa fabrique au nom de son bras droit avant de quitter
précipitamment la capitale autrichienne. S’ensuit deux ans de cavale, trou
noir de son histoire personnelle. Londres, Paris, le midi, puis plus rien
jusqu’en Espagne et une traversée de l’océan qui le mène à Rio. Il ne prend
avec lui que Le Sacrifice d’Abraham, soigneusement plié dans sa petite valise.
Laisse derrière lui son ex-femme et sa fille en Suisse. Saines et sauves,
elles ne se sentent pas moins abandonnées. Ce sera Antonia, sa petite-fille,
qui sauvera le lien familial. Mais est-ce que l’étrange contrat que Willibald
impose à Antonia ne révèle pas un monstre d’égoïsme ? Cette question taraude
Mara, hypnotisée par ce Sacrifice accroché toute son enfance dans un H.L.M. de
banlieue, au point de se plonger pendant des années dans les carnets de bord,
lettres et télégrammes conservés par sa mère. Le lecteur alterne entre la vie
de Willibald, le tête-à-tête mère et fille et le tête-à-tête fictif que Mara
imagine entre elle et Willibald. Et il retrouve avec bonheur ces mots
aiguilles, cette écriture blanche lacérée d’image tranchantes, signature de
Gabriella Zalapi. Extraits : « 1976. Leur arrivée en Suisse est le fruit d’un
échec : l’amour de ses parents a mal tourné et il leur faut partir. C’est lors
d’une nuit d’hiver que sa mère gare la Fiat 500 Avenue Peschier. Elle a
conduit chaque kilomètre qui sépare Rome de Genève à une allure folle, les
bras raides sur le guidon, comme pour se donner de la force, du courage. Il
faut affronter le tunnel du Mont-Blanc, il faut affronter les lignes blanches,
l’obscurité. Il faut affronter les conséquences de la fuite. (…) « 1988. La
mère est habillée en tailleur. Ses cheveux sont parfaitement coiffés en
chignon-croissant, elle s’est maquillée. Elle est nerveuse. Son élégance est
un bouclier derrière lequel elle se protège. Deux experts d’une maison de
vente aux enchères renommée arrivent chez elles, deux bourrasques glaciales
qui balaient la pièce du regard. Etonnement. Ils qualifient à mi-voix les
objets: candélabre Renaissance, lampes vénitiennes, coffre florentin du milieu
du 16ème siècle, bijoux égyptiens. Devant le tableau préféré de Mara, ils
demandent : Connaissez-vous sa provenance? Il appartenait à mon grand-père, un
collectionneur viennois. (…) « La mère pointe du doigt les endroits où la
toile est apparente, où les vernis, les pigments ont sauté. Le coin inférieur
gauche et le centre de l’image sont particulièrement abîmés. » C’est par Le
Sacrifice d’Abraham que Mara rencontre Willibald, en silence, à son insu. (…)
« L’image laisse un rectangle fumé sur le mur. Ses traces sont la preuve d’un
enlèvement. Le Sacrifice d’Abraham lui manque. Il persiste de manière
lancinante sous les paupières de Mara. Depuis la vente, un malaise semblable à
des particules invisibles circule dans l’appartement recouvrant chaque objet
d’une fine pellicule. Mara ressent de la honte en regardant le mur vide du
Sacrifice. » Mara découvre le journal de bord de son arrière-grand-père quand
il traverse l’Atlantique : “SS Serpa Pinto. Vendredi, 30 octobre 1940
L’euphorie du départ a été remplacée par l’apathie. Les visages sont marqués
par l’insomnie et l’inquiétude. Quand serons-nous autorisés à sortir de cette
salle à manger horriblement humide où nous sommes entassés? Je rêve de
respirer de l’air frais. (…) Mercredi Hier, pour me dégourdir les jambes, j’ai
marché à la proue du bateau. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai
admiré le ciel. Dans l’obscurité, j’ai remarqué une jeune femme appuyée à la
balustrade avec, à ses pieds, une petite valise ouverte. Lentement et un par
un, elle s’imprégnait de l’odeur des habits qu’elle jetait ensuite par-dessus
bord. Des langes, des chemisettes, des pull-overs, des paires de pantalons,
des chaussures, des chaussettes. Je n’ai pas eu le temps de voir son visage.
Elle a disparu dans l’obscurité de cet amas de corps que nous formons. Ce «
nous » suspendu sur du temps liquide, bousculé par la nausée. Ce « nous »
écrasé, insomniaque, ce « nous » défraîchi, sale. Aucun signe de vie à
l’horizon. Depuis notre départ je fais des rêves très étranges. Désormais je
les noterai. J’ai passé l’après-midi à chercher à savoir comment et à quoi
j’ai employé mon temps au cours de mes quarante-cinq années de vie. (…)
Vendredi Si j’ai réellement encore des choses à faire dans cette vie, ce qui
m’attend de l’autre côté de l’océan sera l’occasion de le prouver. Qu’est-ce
que je retiens en moi depuis des années. Quoi? Quels désirs? C’est la même
question que m’a posé la vielle Olga, il y a des siècles. Que désires-tu pour
ton futur? Après la mort d’Emil, je croupissais dans de l’eau stagnante. Je ne
dois plus jamais retrouver cet état. Lundi? Mardi? Karl, le jeune peintre de
Sanary-sur-Mer est sur le bateau. Nous avons bavardé. Il a perdu les siens sur
le quai de la gare de Bayonne suite à un bombardement. Je suis hanté par leurs
visages, a-t-il dit. Je n’ai pas été capable de le réconforter. J’étais
terriblement gêné, submergé par la même honte qui me gagnait face à Esther,
lorsque je ne trouvais pas les bons mots pour apaiser ses chagrins. Je suis un
mauvais père. Inge n’a cessé de me le reprocher. Comment lui expliquer que la
mine plaintive d’Esther, son manque de grâce, sa timidité, son caractère fade
ont toujours été un obstacle à ma tendresse? (…) Il fait une chaleur
insupportable. Nous cherchons tous un coin d’ombre. Lundi Le capitaine a
annoncé au déjeuner que la communication radio a été interrompue. Sommes-nous
sortis de la communauté des vivants? Que se passe-t-il en Europe? Mardi
Débarquement prévu aujourd’hui à 14h. Le bateau accostera d’ici quelques
heures. Tous les yeux sont braqués sur la ligne d’horizon. » Anglaise,
italienne et suisse, Gabriella Zalapì a vécu à Palerme, Genève, New York,
habite aujourd’hui Paris. Ses longs séjours à Cuba et en Inde ont également
été déterminants pour donner corps à l’une de ses préoccupations essentielles
: comment une identité se construit-elle ? Artiste plasticienne formée à la
Haute école d’art et de design à Genève, Gabriella Zalapì puise entre autres
son matériau dans sa propre histoire familiale. Elle reprend photographies,
archives, souvenirs et traces pour les agencer dans un jeu troublant entre
Histoire et fiction. Cette réappropriation du passé, Gabriella l’a transposée
pour la première fois à l’écrit avec Antonia. L’aspect documentaire des
photographies qui rythment le texte ancrent d’autant mieux le récit dans la
fiction. C’est cette même technique qui est à l’œuvre dans Willibald.
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