Comme Ulysse

Lise Charles

P.O.L.

  • Conseillé par
    29 novembre 2015

    Just teen

    Audace, excès, érudition et originalité. Tels sont en quatre mots, les critères de la Mention spéciale du Prix Wepler–Fondation La Poste. C’est la jeune Lise Charles qui vient cet automne d’être honorée de ce prix pour son second roman « Comme Ulysse ». Et cette mention lui va comme un gant. Un gant de boxe pourrait-on dire tant son texte tissé de références littéraires est fougueux, inventif et surtout hors-cadre.

    Après avoir été lâchée par sa grande sœur Jeanne au cœur de Manhattan, Lou, une jeune Française pas encore sortie de l’enfance, se retrouve dans le Massachusetts. C’est dans un manoir néo-victorien qu’elle devient le modèle d’un peintre assez impénétrable du nom de Peter. Ce dernier est marié à Rebecca qui se rêve en Virginia Woolf. Ensemble ils ont deux enfants à qui Lou donne des cours de français. Pour cette petite frenchie entre deux âges, ce huis-clos familial va devenir le terrain de jeu idéal pour éprouver sa féminité naissante et vérifier son pouvoir de séduction. Comme elle cultive le sens du drame et possède le goût de la provocation, on pressent très vite que tout cela va mal finir.

    Considérant qu’à quatorze ans on est encore moins sérieux qu’à dix-sept, on ne peut en vouloir à l’héroïne de Lise Charles, de nous servir ses « équivalents de vérité » à la louche et de nous balader, dans tous les sens du terme, au cours des 400 pages de son périple initiatique de « petite salope écervelée ». Lou n’aime rien tant que s’inventer un passé, de préférence tortueux et jouer avec les hommes en dépit de son corps pas totalement formé dont souvent elle ne sait quoi faire. Elle est bourrée de charme cette petite qui « sue des cuisses » et on lui pardonne volontiers sa provoc’ gratuite comme tous ses arrangements avec la vérité. Elle affabule, et alors ? Lou a toujours réponse à tout, une excuse pour tout. « Quatorze ans, j’ai dit comme ça moitié pour rigoler et parce que c’était pas si faux, après quatorze ans j’ai arrêté de compter ». Il faut dire que l’on est tout de suite magnétisé par cette ado pressée dont « les tétons font des clins d’œil » et qui en dépit de ses quelques printemps raisonne comme un vieux sage presque blasé. Pour son personnage, Lise Charles a trouvé ou plutôt inventé une langue dont le « beat » et le flux n’appartiennent qu’à elle, mélangeant le français et l’anglais à coup de punchlines ciselées. Et aux lecteurs que cela pourrait déconcerter, elle adresse un très direct : « Ça me ferait plaisir que tu fasses des efforts, après tout ça prend moins de temps à lire que d’écrire ». Impétueuse Lou. Facétieuse Lise Charles.

    Si ce roman s’intitule « Comme Ulysse », on ne cesse de penser qu’il aurait pu tout aussi bien s’appeler « Comme Peter Pan », « Comme Holden Caulfied », « Comme Lolita ». Mais ce qui reste à l’esprit surtout c’est « Comme Cécile », l’héroïne de 17ans de « Bonjour Tristesse » à qui Lou doit beaucoup. Principalement son anticonformisme rafraîchissant assorti d’une langueur et d’une forme d’ennui en filigranes. Si l’écriture cinglante de Lise Charles est plus « à la hussarde », qu’un « style de hussard » à la Sagan, il n’en reste pas moins qu’un nouveau « charmant petit monstre » de la génération web 2.0 s’est imposé aujourd’hui avec ce roman. Attention à Lise Charles, gros talent à suivre.

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