Dans le silence du vent

Louise Erdrich

Albin Michel

  • Conseillé par
    22 octobre 2013

    Le fruit de la colère

    Il aura fallu beaucoup de temps et d'abnégation à Louise Erdrich pour commuer sa colère en une oeuvre littéraire récompensée par le National Book Award 2012. Née d'un père germano-américain et d'une mère ojibwa, élevée dans une réserve du Dakota du Nord, l'auteure s'est appuyée sur une donnée accablante pour son dernier roman, selon laquelle une Amérindienne sur trois serait victime d'un viol au cours de sa vie, d'après Amnesty International. Si le récit, porté par la voix d'un adolescent de treize ans dont la mère a été agressée, s'ouvre sur ce terrible fait divers, il ne s'apparente néanmoins jamais à un manifeste féministe ni à un texte militant : sa force narrative emporte le lecteur et fait de lui l'un des habitants de la réserve où vivent Joe et ses parents, presque l'un des membres de la famille.

    Devenu adulte, Joe se remémore ce dimanche après-midi qui sonna le glas de son enfance, et les événements qui s'ensuivirent. Sauvagement agressée, sa mère, autrefois pleine de vie, refuse de quitter sa chambre et s'enfonce dans le mutisme. Devant l'impéritie d'une justice à deux vitesses -celle des Blancs et celle des Indiens-, Joe choisit de mener une double enquête, d'une part avec son père, agent des affaires indiennes, en épluchant ses dossiers, d'autre part avec ses amis, sur le terrain. A force de patience et d'amour, le jeune garçon parvient à redonner espoir à sa mère qui dévoile l'identité de son agresseur. Une faille juridique empêche néanmoins son arrestation, et Joe comprend qu'une fois de plus il lui faudra agir seul pour sauver sa famille.

    Roman protéiforme où chaque mot trouve sa place, d'une sensibilité à fleur de peau, " Dans le silence du vent " conjugue avec brio les différentes sphères de la vie intime d'un adolescent qu'un malheur fait basculer dans l'âge adulte : l'opposition au père, l'indéfectible amitié qui le lie à sa bande de copains, les premiers émois amoureux, sa place dans la société en tant qu'Amérindien... Même si ce malheur constitue le fil rouge de l'histoire, on le perd parfois de vue pour savourer les baignades, les repas de famille, les virées en vélo et toutes les situations cocasses et drôlissimes dans lesquelles s'empêtrent Joe et ses camarades. La manière dont l'auteur inscrit la géographie de cette réserve indienne, entre chamanisme et réalité, dans notre propre imaginaire, impressionne, et l'on se sent concerné, comme cette famille, comme un membre de cette communauté, par l'injustice dont les populations indiennes sont victimes. Point de misérabilisme pour autant, mais le partage généreux d'une culture fière de ses rites, de ses traditions et de son passé.

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  • Conseillé par
    1 septembre 2013

    Lors d’une journée de printemps, la mère de Joe partie chercher un dossier pour son travail se fait attendre. A son retour, Géraldine est incapable de parler. Conduite à l’hôpital, son mari et Joe âgé de treize ans apprennent qu’elle a été violée. Choquée, elle s’enferme dans un mutisme et ne veut pas évoquer ce qu’elle a subi ni à la police ni à son mari. Pourtant ce dernier est juge aux affaires indiennes. Son mari qui a foi et confiance en la justice remet l’affaire entre les mains des autorités compétentes. Mais pour Joe rien ne plus être pareil. Sa mère reste cloîtrée dans sa chambre et se coupe du monde, de sa famille. Joe est déterminé à mener sa propre enquête.

    De l’insouciance conférée par l’enfance, Joe est projeté dans le monde des adultes. Un monde loin d’être simple surtout que les lois sur le territoire indien sont complexes. Sa quête de vérité et de vengeance se heurte à la notion de justice et aux principes inculqués par son père. Mais pour sa mère, Joe est prêt à tout.

    Ce livre au vu du thème aurait pu être très sombre mais Joe le narrateur s’il nous raconte l’effondrement de sa famille, nous fait part également de ses sorties et de ses ballades avec ses amis ainsi que de la solidarité au sein de la communauté indienne. Ses premières bières, son premier mensonge contrebalancent l’ambiance morose qui règne désormais dans sa maison. La douleur, les souffrances éprouvées par sa mère, son père et Joe sont rendues admirablement avec intensité et sobriété comme l’enfance envolée de Joe.

    Un roman émouvant où Louise Erdrich amène le lecteur à réfléchir sur la notion de justice.
    Dense, profond, l’auteure brise la gangue de silence et sa voix s’élève admirablement comme un manifeste pour dénoncer les violences subies par les femmes amérindiennes.
    Un livre dirigé magistralement une fois de plus par cet auteur très talentueux !