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Conseillé par Sylvain T. (Libraire)28 janvier 2020
Nous connaissions le fameux texte de De Quincey, De l’assassinat considéré comme un des Beaux Arts. Il nous faudra maintenant compter avec ce recueil de nouvelles de Jaume Cabré, tout entier imprégné du même lien entre l’art et le crime. En virtuose de la langue, l’auteur du somptueux Confiteor nous embarque dans une danse macabre parsemée de contre-points et de résonances malicieuses à l’architecture baroque où l’être le plus banal peut être un monstre d’une subtile beauté, tant par son geste que par ses mots. Glaçant, troublant, souvent cynique, on ne peut s’empêcher à la lecture de penser à « la terrible, l’indicible, l’impensable banalité du mal » chère à Anna Arendt dont Cabré fait sienne tout en la transcendant par la poésie de sa langue acérée, jusqu’au final laissant le lecteur se demander « pourquoi les histoires de la vie finissent toujours par la mort, comme s’il n’y avait pas, pour toutes les choses, une autre fin possible. » Le poète catalan nous prouve admirablement une nouvelle fois que la Littérature en est une autre possible..
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Conseillé par o n l a l u26 janvier 2020
La littérature complice du mal
L’auteur de « Confiteor » publie un recueil de treize nouvelles liées entre
elles par le thème du mal, du meurtre, mais aussi par un tissage narratif
habile, personnages récurrents, histoires se poursuivant d’une nouvelle à
l’autre, et au milieu un tableau de Millet ayant la particularité
d’emprisonner ses admirateurs passionnés. Mises en abyme, échos, jeux sur le
double, Jaume Cabré déploie toute sa virtuosité pour offrir au lecteur un
panorama de la banalisation du mal.Tueur à gages, voleur de moutons, professeur psychotique, mari jaloux,
pédophile, délinquant, père obsédé par la vengeance, écrivain machiavélique,
franquistes, résistants, ils ont tous une raison de tuer. Pourtant les morts
peuvent revenir sous la forme de souvenirs ou de fantômes : quelques-uns
hantent le recueil, se plaignant du manque de tranquillité ou de l’ingratitude
de la postérité. La première nouvelle donne le ton : un petit garçon est
envoyé en pension d’où il ne ressortira qu’à la fin de sa scolarité. Abusé par
le surveillant général, rudoyé, trahi par ses camarades, oublié par son père,
emprisonné, il commettra une succession de meurtres comme la suite nécessaire
d’une vie sans espérance ni confiance.